Les rivages de l'Achéron

Ils ont été aperçus partout dans la cité, mais personne n'a jamais pu les approcher, ni leur parler. Qui oserait d'ailleurs.


Depuis la grande peur de l'An Mil, ils apparaissent au détour d'une ruelle, s'accouplent aux ombres des statues, scintillent aux pieds des réverbères, tremblent dans le reflet d'une flaque d'eau souillée.

Ils vont par deux. A cause de la différence de gabarit - un grand, un petit - la légende a d'abord prétendu qu'ils étaient père et fils, mère et fille. 

Aujourd'hui, les anciens, les prêtres et les professeurs disent que cette malédiction ne portent pas le sceau des liens du sang mais celui de l'esprit : ces créatures, un être humain et sa conscience, sont sujets du règne des tourments. 
Perchée sur l'épaule de l'homme ou de la femme, marchant dans ses traces ou le devançant en tous lieux, la gargouille ne dort jamais.

Dès lors, tout le jeu cruel consiste, pour le damné, à traquer le moment d'inattention de son geôlier : quelques secondes, une fois par jour d'éternité, dont il doit profiter pour le projeter dans le fleuve Achéron et l'y noyer.

L'âme perdue doit faire vite : chaque heure écoulée la rapproche d'avantage du centre de la Terre, le garde-manger de Lucifer.  S.D 

4e de couv'.

   

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